Bonjour,
Je souhaite partager avec toi une question qui me préoccupe en ce jour.
Elle me vient du constat que l’Afrique, ce continent dont on sait la terre fertile et qui dispose à ce jour d’environ 60% des terres arables encore disponibles sur notre planète connaîtrait, le phénomène de l’exode rural depuis plusieurs décennies.
Cette supposée désertification de nos campagnes d’une part, et l’engorgement des villes d’autre part ne serait pas sans conséquences sur le développement agricole de nos pays, l’accroissement de l’insécurité alimentaire qui y règne, la paupérisation de certaines populations et la dépendance de nos États aux produits alimentaires importés.
D’où cette interrogation : Afrique, nos campagnes sont-elles mortes ?
Certains diront qu’il s’agit d’un triste constat, d’autres qu’il s’agit d’une simple rumeur mais une chose est pourtant certaine, l’exode rural en Afrique ne semble pas être un mythe.
Historiquement, le travail de la terre a toujours été valorisé sur notre continent, la terre étant symbole de :
– Richesse ;
– Sagesse.
En République du Bénin (ancien Royaume du Danxomè), pays dont je suis originaire, la propriété foncière était et est encore signe d’accomplissement et de réussite.
En effet, dans la culture populaire béninoise, l’ambition d’acquérir un lopin de terre, aussi petit soit-il, est très présente et cela dans toutes les couches de la population.
En revanche, de nos jours, cette volonté d’acquisition n’est pas toujours suivie d’une envie de cultiver cette terre, le travail d’agriculteur ayant perdu ses lettres de noblesse et étant désormais synonyme de :
– Pauvreté ;
– Non-érudition.
De manière plus factuelle, même si aucune institution (étatique ou internationale) n’est à ce jour capable de dire avec exactitude le nombre de ferme et encore moins le nombre d’agriculteur qu’il y a sur le continent (du fait de la non-effectuation en bonne et due forme des recensements agricoles), nous pouvons toutefois observer certaines tendances.
- La première est une augmentation du nombre de personnes ayant actuellement un revenu lié directement ou indirectement à l’agriculture sur le continent.
A titre d’illustration :
– Au Bénin : environ 70% de la population active[1]
– Au Burkina Faso : environ 82% de la population active[2]
- La seconde est une augmentation de l’insécurité alimentaire.
La « sécurité alimentaire » se définit comme une situation qui garantit à tout moment à une population, l’accès à une nourriture à la fois sur le plan qualitatif et quantitatif.
Elle doit être suffisante pour assurer une vie saine et active, compte tenu des habitudes alimentaires.
Les pays africains sont malheureusement majoritairement insuffisants alimentairement parlant et dépendent de l’importation de denrées étrangères notamment en ce qui concernent les produits transformés.
Voyez-vous le paradoxe ?
La population agricole africaine est croissante et pourrait avoir pour corolaire une autosuffisance alimentaire mais bien au contraire, l’insécurité alimentaire est grandissante sur notre continent.
Il n’est donc pas juste de proclamer « la mort de nos campagnes » car de manière générale population agricole ne cesse d’augmenter en Afrique subsaharienne contrairement au reste du monde (exception faite de l’Asie du Sud).
Cependant, les raisons de cette augmentation sont plus mécaniques que raisonnées.
En effet, cette inflation a pour source l’augmentation de la démographie africaine et non pas une prise globale de conscience sur la richesse que représentent nos terres et du travail que nous devons faire pour exploiter à bon escient leurs potentiels.
Il convient toutefois de souligner que la sous-utilisation des terres observée au plan strictement agronomique ne signifie pas leur non-utilisation.
En effet, les terres peuvent paraître « libres » (parce que non enregistrées dans des cadastres ou immatriculées dans des titres fonciers) mais elles ne sont en réalité pas vacantes, car elles peuvent dans les faits être utilisées par les populations locales pour leur survie[3].
Force est de constater que l’agriculture pratiquée dans nos contrées demeure de type vivrière (agriculture tournée vers une économie de subsistance) et pluviale (agriculture dépendante du bon vouloir du Dieu de la pluie), ce qui inclut une faible productivité, une sous-exploitation des terres disponibles ainsi que la non résolution de problématiques telles que celles liées à une meilleure irrigation des terres ou à la rationalisation des systèmes de production et d’écoulement de celles-ci.
Aujourd’hui je m’adresse à vous car je pense qu’au-delà du fait de fustiger nos Etats pour la non mise en place active de politiques publiques suffisamment efficaces visant un développement agricole sain et durable (politique prenant en compte les considérations, socio-économiques mais également le changement climatique), nous devons nous aussi, africains, prendre conscience de notre rôle dans l’essor agraire de notre continent.
Nous pouvons et DEVONS être acteur et non plus uniquement spectateur.
SEPHORAGRO
APITHY Séphora
Juriste spécialisée en droit de l’agriculture et des filières agro-alimentaires

[1] Afrique Agriculture, « Le Bénin réforme son secteur agricole », 20/07/2017
[2] https://agriculture.gouv.fr/burkina-faso
[3]« Le mythe de l’abondance des terres arables en Afrique », Pierre Jaquemot, 20 Novembre 2017
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