Dans un premier temps nous nous intéresseront aux fondements du MERCOSUR (I) ensuite aux raisons motivant une alliance Union européenne-MERCOSUR (II), puis nous verrons pourquoi les agriculteurs français sont opposés à ce projet d’accord (III), enfin, nous observerons comment la riposte contre cet accord s’organise en France (IV).
I- Qu’est-ce que le MERCOSUR ?
Le MERCOSUR (de l’espagnol Mercado Común del Sur ou Marché commun du Sud) est un Traité d’accord de libre-échange entre des pays d’Amérique du sud.
Il s’agit donc d’une alliance économique.
Les pays fondateurs du MERCOSUR sont :
- L’Argentine, le Brésil, l’Uruguay, le Paraguay et le Venezuela.
C’est une alliance en perpétuel mouvement car :
- Le Venezuela a été suspendu en 2017.
- La Bolivie a intégré le MERCOSUR en décembre 2023
- Il existe des membres associés au MERCOSUR comme : le Chili, la Colombie, l’Équateur, la Guyana, le Pérou et le Suriname.
Les domaines d’activités du Traité ne sont pas uniquement relatifs à l’agriculture même si c’est un domaine régit par ce Traité.
En effet, en plus de l’agriculture, le Traité MERCOSUR réglemente également :
- L’industrie automobile,
- La chimie,
- Le secteur pharmaceutique,
- Le textile et les services.
II- Sur le G20 qui s’est tenu à Rio de Janeiro au Brésil les 18 et 19 novembre 2024 concernant l’accord Union européenne-MERCOSUR ?
Lors du sommet du G20 du 19 Novembre 2024 (forum intergouvernemental regroupant les pays aux économies les plus développées du monde), Madame Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, était bien décidée à ce que le projet d’accord commercial aboutisse, ce projet étant en discussion depuis une vingtaine d’année.
Le Président brésilien LULA est lui aussi très en faveur de ce Traité.
Quels seraient les avantages d’un tel accord :
Il permettrait la mise en place d’un immense marché de 700 millions de consommateurs au total.
Les 27 pays de l’Union européenne pourraient en échange de l’importation de produits agricoles sud-américains, exporter des produits pharmaceutiques ou des produits industriels (exemple : des voitures).
L’accord fixe cependant des quotas afin de cadrer l’import-export des marchandises.
Par exemple :
- Concernant la viande (bœuf, porc, volailles) : l’Union européenne pourrait importer 304 000 tonnes de viande supplémentaire en provenance des pays du MERCOSUR par an (L’UE produit 40 millions de tonnes de viande par an)
Le bœuf importé du MERCOSUR représenterait 90000 tonnes soit environ 1,2% de ce que consomme les européens.
Les volumes de viande importés du MERCOSUR ne semblent pas être suffisamment conséquents pour remplacer la viande produite en Europe, dans les assiettes.
Il n’en reste pas moins que les discussions relatives à cet accord sont houleuses.
Il est donc possible de se demander les raisons de l’émoi que suscite la signature de cet accord chez les agriculteurs français.
III- Pourquoi les agriculteurs français sont opposés au projet d’accord Union Européenne-MERCOSUR ?
Il y a tout d’abord la crainte de la création d’une situation d’une concurrence déloyale entre les agriculteurs européens et ceux du MERCOSUR.
En effet, les législations européennes et sud-américaines en matière d’usage de pesticides sont différentes, celles du MERCOSUR étant moins contraignantes.
De plus, un tel accord aurait pour conséquence, la possibilité pour les pays du MERCOSUR de pouvoir écouler leurs marchandises dans l’Union européenne avec très peu de frais de douane (suppression de 90% des droits de douanes entre l’Union européenne et le MERCOSUR, principalement dans le secteur industriel).
Aussi, force est de souligner qu’au sein du MERCOSUR sont présents des géants mondiaux de l’agriculture que sont le Brésil, que l’on surnomme « la ferme du monde » mais aussi l’Argentine qui est un très grand producteur agricole qui est également connu pour ses élevages bovins.
L’Argentine possède actuellement 54 millions de bovins et produit environ 20 millions de tonnes de blé par an.
Les produits argentins destinés à l’exportation sont jusqu’à présent principalement dirigés vers la Chine.
En ce qui concerne le Brésil, il s’agit du 5ème plus grand pays au monde en terme de superficie, et il dispose encore d’énormément de terme arable.
C’est le premier producteur au monde de :
- Jus d’orange
- Sucre
- Café
- Soja
Les produits des agriculteurs français et européens seraient donc mis en concurrence avec ceux des pays du MERCOSUR dont les coûts de production seraient moins élevés.
Enfin, l’impact environnemental d’un tel accord est aussi pointé du doigt par les militants en faveur de l’écologie.
A noter que certains pays européens comme l’Espagne ou Allemagne sont très favorables à la création de cet accord.
Tableau récapitulatif du positionnement de certains Etats européens
| PAYS EUROPEENS POUR | PAYS EUROPEENS CONTRE | PAYS EUROPEENS DUBITATIFS |
| Allemagne Espagne | France Pologne Autriche Pays-Bas Irlande | Italie |
La France est véritablement en tête de lice des opposants à ce projet de libre-échange UE- MERCOSUR et cela s’observe tant au niveau étatique, que chez les agriculteurs que chez certains distributeurs.
IV- La riposte en France
Dégradations par des agriculteurs français en colère
- À Agen : Du lisier (mélange liquide d’excréments d’animaux) a été déversé sur la façade de lieux tels qu’un centre des impôts, une préfecture ou encore la mutualité agricole.
- À Beauvais : un mur de parpaing a été dressé à l’entrée de l’Office français de la biodiversité.
Du fumier et des pneus ont été placés devant l’OFB ainsi qu’une pancarte indiquant : « À vendre, changement de destination ».
Des distributeurs (grande distribution) solidaires des agriculteurs français
Thierry Cotillard, directeur du groupement Les Mousquetaires a déclaré le 21 Novembre 2024 sur LinkedIn que : « Intermarché et Netto s’engagent à ne pas commercialiser de viande issue d’Amérique du Sud » et qu’il « appelle les industriels à faire preuve du même niveau d’engagement et de transparence quant à l’origine de la matière première utilisée ».
Plusieurs interventions au sommet de l’Etat français
Emmanuel Macron, Président de la République, a déclaré en marge du G20 le 19 novembre 2024 que «la France n’est pas isolée » dans son opposition au Traité en l’état et appel à des renégociations de ces termes.
Michel Barnier, premier ministre français, a quant à lui affirmé sur son compte X : « j’entends la colère, les tensions, l’incompréhension des agriculteurs sur le projet d’accord UE-MERCOSUR, la France y est fermement opposée. »
Maud Bregeon, porte-parole du gouvernement, a annoncé sur le plateau de télévision TF1 qu’un débat à l’Assemblée nationale suivi d’un vote allait pourrait renforcer la position du Président et celle du 1er ministre.
Prochaines dates importantes : du 5 au 7 décembre 2024 aura lieu le prochain sommet du MERCOSUR en URUGUAY à Montevideo.
Après lecture de cet article quel est votre point de vue sur l’accord UE- MERCOSUR ? L’Europe doit-elle choisir le protectionnisme ou le libre échange ?
APITHY Séphora
Juriste agricole spécialisée en droit de l’agriculture et des filières agro-alimentaires
Auteure du livre Des mots d’Agriculture et de Culture

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